A Jean-Pierre Moineau
Le clavier Azerty envoie une rafale
De lettres choisies par son tireur
Le cliquetis des touches a brisé l’omerta de la nuit
Sans avertir personne Une rafale puis deux Puis rien
Puis ça recommence de manière continue ou sporadique
L’écran fait face Livide avec son teint palot
A chaque détonation de clavier une traînée de mots noircit l’avenir de la feuille
Tous ne touchent pas leur cible Loin de là
L’écran ne commente pas Il se contente de consigner les faits dans un coin de sa mémoire
Les tirs reprennent sans sommation sans direction précise non plus
La dernière rafale est ravalée comme une saute d’humeur
Ah les sales caractères
Il n’est pas prudent d’être dans la ligne de mire de ce snipeur
Personne ne connaît les mobiles de ces tirs nocturnes
Personne ne les cherche vraiment d’ailleurs
La police changeant quasiment à chaque nouvelle fusillade L’enquête patine
Agresser une feuille immaculée est un crime que le monde moderne ne saurait tolérer
La France a peur
Pensez, si tout le monde se met à tirer des lettres sans raison
Le crime gratuit l’escalade dans l’auteur
Avant jamais un texte n’aurait été diffusé sans l’aval d’un éditeur
Dans un pays où les claviers Azerty équipent même les téléphones
Les rafales de lettres n’ont pas fini de laisser des mots derrière elles
Il me reste à espérer que tout ceci soit sans conséquence
Pour notre société dont la liberté repose entre les mains
De ceux qui ont le droit de tirer sur des feuilles choisies d’avance
Etre auteur ne s’improvise pas dans ces claviers de l’indigence
Réduisez-moi ces snipeurs au silence
A Livry, Mai 2020